Un spectacle conçu et proposé par une compagnie théâtrale aux valeurs conviviales, qui interroge les liens au territoire et ses paysages
Qui ?
Porteur de l’initiative
La Mâchoire 36
Partenaires
Drac Grand Est, Région Grand Est, Département des Vosges, Département de Meurthe et Moselle, Terre de Lorraine 54, La Cité des Paysages
Quand ?
Date de création
2024
Durée
En cours
Où ?
Lieu d’implantation
Vicherey
Aire d’action
Vicherey et ses alentours




L’essentiel pour s’inspirer
Pourquoi ?
Attachée à « l’écriture du réel » à travers les arts plastiques et le théâtre, La Mâchoire 36 interroge depuis 25 ans les relations au territoire et les sujets sociétaux, notamment liés à l’écologie. Depuis 2020, la Compagnie incarne de manière concrète cet ancrage au territoire et à la ruralité par son implantation à Vicherey, commune de 160 habitants dans laquelle elle occupe un ancien presbytère et son petit théâtre de 70 places. Des locaux propices à la création d’un nouveau lieu culturel dans un endroit isolé des structures culturelles alentour, mais aussi camp de base et laboratoire d’expérimentation artistique et sociale pour inventer des projets de territoire.
Comment ?
Le premier de ces projets de territoire s’attaque à la question du paysage : Quelle relation ou appartenance des habitants d’un territoire aux paysages le composant ? En partenariat avec la Cité des paysages, S’effacer, paysage avec fantômes a consisté pour Estelle Charles, directrice artistique et co-directrice de la compagnie, à rencontrer directement les habitants des villages alentour. Cette œuvre interroge les participants sur leur rapport sensible et intime au paysage, et ceux-ci sont même filmés chez elles et eux, « dans leurs paysages préférés », vêtus d’un costume de fantôme.
La figure du fantôme joue un rôle symbolique aux multiples dimensions. Elle met d’abord en exergue le fait que les paysages que nous connaissons ont été façonnés par des humains avant nous qui ont laissé ces environnements comme héritage. Les humains actuels, ceux rencontrés et filmés pour le projet, seront aussi amenés à disparaître et à devenir ces fantômes qui laisseront leur trace sur le paysage. Le fantôme pose en effet la question de la disparition de l’humain dans le contexte de la catastrophe écologique en cours. Ce symbole interroge également la relation au paysage, une notion qui n’a du sens que s’il y a des humains pour regarder et vivre dans ce paysage. Enfin, il pose la question de l’impuissance : être un fantôme dans un paysage, c’est assister à son altération sans pouvoir intervenir.
Au cours de ces rencontres, une variété de profils d’habitants (agriculteurs, urbains, jeunes, vieux, routiers…) a pris la parole sur ce que ça veut dire de vivre dans un paysage donné : leurs attachements à la terre, leurs inquiétudes, leurs préoccupations, qui sont propres à un territoire mais contiennent une dimension universelle. Toutes ces paroles ont été récoltées et agrégées pour donner lieu à un film documentaire, un spectacle d’une heure et une exposition, le tout formant un parcours de plusieurs heures. Ce parcours est une représentation du territoire, incarnée par ses habitants qui témoignent de la réalité de la vie au sein de ce paysage.
L’exposition contient des photos et des vidéos, et surtout beaucoup de cartes, travaillées par des artistes plasticiens, modulables, dessinées, créatives, basées non pas sur un travail de géographe mais sur les paroles récoltées et restituées sous forme de cartographie. Pour raconter le processus d’enquête et de création, le spectacle est une mise en abîme dans laquelle jouent comédiens et amateurs – des habitants ayant participé au projet et qui ont été intégrés dans la pièce.
Au cœur des témoignages, la convivialité semblait être une préoccupation clé pour les habitants interrogés. Celle-ci est incarnée de multiples manières par la compagnie : des repas « à la table du paysage » ont été organisés qui permettent la rencontre entre voisins, autour d’une table de huit mètres sur laquelle est peinte la carte du territoire. Cette même table est partie intégrante de l’exposition S’effacer, paysages avec fantômes et accueille par ailleurs des ateliers d’écriture. Elle sert à rappeler le partage et le vivre-ensemble dans un paysage commun.
Impact ?
La démarche, basée sur l’ouverture et le dialogue, est clé dans le contexte d’un territoire éloigné des structures culturelles. Elle permet de se réapproprier le lieu de culture en milieu rural qu’est l’ancien théâtre mais aussi les pratiques culturelles de manière plus large, en mettant au centre de l’œuvre l’ancrage local, la participation et l’impact positif laissé sur le territoire. Suite à la première période de diffusion de l’œuvre S’effacer, paysages avec fantômes, qui a pris fin en août 2024, le documentaire a été laissé aux mairies pour diffusion libre. Le parcours sera de nouveau ouvert prochainement.
Au-delà des publics habitants, le livrable aura aussi laissé une trace sur les élus et institutionnels (département, DRAC…) du territoire, qui ont eu accès à une parole issue de la ruralité qui émerge rarement et qui reflète des préoccupations peut-être insoupçonnées car elles ne sont pas toujours entendues : l’inquiétude et la conscience écologique qui s’expriment d’une manière originale.
L’extra pour se mettre en action
Sur le chemin…
L’implication des collectivités locales ont contribué à la mise en place du projet, notamment en accueillant les projections du film et les expositions. Ce soutien institutionnel, notamment, permet aujourd’hui de nouvelles initiatives. Depuis, la compagnie a en effet été sollicitée par la DRAC pour un nouveau projet territorial : En voisinage, et si on inventait une nouvelle convivialité ? Il vise, avec le paysagiste Raphaël Caillens en résidence à Vicherey, à travailler sur la mémoire des lieux et la convivialité à partir du lieu de l’ancien théâtre : Quelle importance du lieu pour le village ? Quelle mémoire partagée ? Comment en faire un réel lieu de commun ? Ces questions résonnent avec les apprentissages du projet précédent, qui avait bien mis en exergue le besoin des personnes pour plus de relations humaines, de convivialité, de vivre-ensemble.
Le regard de La fabrique des récits
Et si nous travaillions activement à la construction d’un patrimoine culturel territorial renouvelé, mobilisant la mémoire et embrassant des voix multiples ?
Valoriser les perceptions et attachements locaux à un lieu permet de contempler autrement la trace que nous avons laissée, laissons et laisserons sur les paysages, renforçant les liens entre humains et avec l’environnement naturel.
Autres initiatives
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Des ateliers artistiques pour re-découvrir un ruisseau à l’abandon.