Écoutez-Lez / Rassemblez-Lez

Pourquoi ?

Tout commence après la sécheresse de l’été 2022. Alors que 80% des Montpelliérains boivent l’eau de la source du Lez, la Métropole de Montpellier reçoit une inquiétante lettre anonyme : le Lez en a ras-le-bol de la mauvaise prise en compte de ses intérêts propres et se met en grève. L’agence Bipolar est missionnée pour mener l’enquête et tenter de résoudre cette crise de relation entre humains et non-humains. Derrière cette fiction éco-politique et collective, un objectif : lancer une démarche artistique d’aménagement écologique du territoire et d’exploration des modes d’administration possibles d’un bassin versant. Lors de plusieurs événements organisés sur les rives du Lez, les citoyens montpelliérains sont invités à s’exprimer sur leur lien au fleuve. La place centrale du cours d’eau dans Montpellier et ses environs soulève la question de son intégration dans les politiques locales, tout en mettant en lumière la nécessité de préserver ses intérêts propres au regard des enjeux écologiques et territoriaux actuels.

Comment ?

En novembre 2022, commence la mission « Écoutez-Lez », une exploration sensible des attachements des Montpelliérains au fleuve. Des témoignages de riverains, usagers, scientifiques sont recueillis pour faire avancer les négociations avec le fleuve et sont mis sous la forme de chroniques sonores par un artiste journaliste. Les habitants sont également invités à venir témoigner de leurs attachements sensibles au Lez dans le cadre de deux émissions de radio réalisées en public et en direct des rives. Une fresque du Lez de 11 mètres de long, composée des témoignages des habitants, est également produite par une architecte et illustratrice.

Après cette phase d’écoute, un comité de négociation est constitué, composé de 30 citoyens volontaires de 12 à 72 ans, habitants du bassin versant. Cette seconde mission « Rassemblez-Lez » veut dessiner les contours d’une administration sensible du Lez et intégrer les intérêts propres du fleuve dans les affaires politiques, les institutions, les administrations et les pratiques. Entre mars et décembre 2023, un parcours technique, scientifique et sensible voit le jour pour permettre au comité de comprendre les intérêts et les besoins du fleuve (visite de l’usine de pompage, promenade en kayak, en vélo, échanges avec des scientifiques, des techniciens de la gestion de l’eau et des milieux, des élus). Les manières d’aménager et de gérer sont interrogées et des alternatives politiques et poétiques sont proposées. Quatre gazettes sont écrites et illustrées au fil des expériences et plusieurs plateaux radio la relatent. Le comité livre au final un cahier de recommandations à destination des institutions existantes pour restaurer les liens entre le Lez et ses habitants. On y trouve des invitations à la gratitude, des envies de formation d’interprètes, des modèles d’assemblées politiques, des schémas d’aménagement relationnel… Ce répertoire d’imaginaires administratifs trace les contours d’une plus large fiction à la croisée de l’aménagement et de nos relations à la nature.

En janvier 2024, ces deux expériences ont fait naître « la Mission Relations », une œuvre de fiction qui postule l’existence à venir d’un service public potentiel de la relation aux milieux de vie. L’objectif est d’articuler la fiction d’un service public potentiel à des expérimentations concrètes menées auprès de collectivités et de communautés locales pour tester les outils développés afin de préciser ses modes d’action.

Impact ?

Aujourd’hui, le comité de négociation est toujours actif. Les habitants ont une meilleure connaissance scientifique et politique du fleuve, perçu désormais dans son altérité : un fleuve et son écosystème vivant auxquels les Montpelliérains sont reliés et avec lesquels il font communauté. Animés par la sensation d’être les “interprètes” du Lez, ils souhaitent en défendre les intérêts et réfléchissent à créer une déclaration de droits du fleuve. Par ailleurs, les élus locaux siégeant à la Commission Locale de l’Eau (CLE) se sont interrogés sur leurs liens sensibles au fleuve suite à la remise du cahier de recommandations par le comité de négociation. Il a notamment été décidé de travailler main dans la main dans le cadre de la révision du schéma d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) du Lez.