Des ateliers artistiques pour re-découvrir un ruisseau à l’abandon
Qui ?
Porteur de l’initiative
Bureau des guides du GR2013 (collectif citoyen des Gammares)
Partenaires
Cité des Arts de la rue, Urban Prod, Agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, Euroméditerranée
Quand ?
Date de création
2016
Durée
Reconduit
Où ?
Lieu d’implantation
Marseille
Aire d’action
Bouches-du-Rhône







L’essentiel pour s’inspirer
Pourquoi ?
Le cours d’eau Caravelle-Aygalades prend sa source à Septème, parcourt 17 km en passant par les quartiers nord de Marseille pour se jeter dans la mer au niveau de la tour CMA-CGM. Canalisé et même recouvert, longtemps nié par l’urbanisation et perçu comme un égout à ciel ouvert, le ruisseau est impacté par l’homme avec des conséquences directes sur le Méditerranée. Il y a 15 ans, alors que le quartier Euroméditerranée est en pleine expansion, avec notamment le projet de construction d’un parc urbain sur l’emplacement du cours d’eau, se pose la question de son devenir. Le projet de 14 hectares prévoit finalement de renaturer les berges du cours d’eau et de premières études de diagnostic sont lancées en 2016 pour en brosser un portrait à la fois technique et sensible. C’est dans ce contexte que le Bureau des Guides GR2013 est sollicité.
« C’est durant une conférence Voix d’eau qu’une dame de 60 ans qui habitait les quartiers nord a identifié là où elle se baignait quand elle était petite : c’était le ruisseau des Aygalades. Les gens le considéraient comme un biaou (un fossé), là où on jette les trucs. Elle a fait le lien entre son corps qui se baigne dans l’eau et la conférence qui parle de ce ruisseau. Un lien émotionnel et corporel se crée et c’est sur cela que s’appuie le projet. C’est aujourd’hui une figure forte du Collectif des Gammares. » Marielle Agboton – Coordination des actions pour les publics au Bureau des Guides.
Comment ?
En 2017, artistes, aménageurs et habitants chaussent des waders (combinaisons étanches) et partent à la remontée du ruisseau. L’objectif ? Mieux comprendre le cours d’eau et faire se rencontrer et discuter celles et ceux qui sont experts du territoire, par leurs approches scientifiques, sensibles ou parce qu’ils le pratiquent au quotidien. Ce moment fondateur mène en 2018 à la création de la série de conférences sauvages Voix d’eau, chaque premier dimanche du mois au Jardin de la Cascade des Aygalades, à la Cité des Arts de la Rue dans les quartiers nords de Marseille. Les histoires et les devenirs du ruisseau y sont racontés par la diversité des voix invitées (artiste, aménageur du territoire, gestionnaire, aiguadier, habitant, élu).
En 2019, se forme le Collectif citoyen des Gammares pour continuer à faire connaître le ruisseau, constituer ensemble des connaissances et sensibiliser par des ateliers artistiques. Par exemple, des sculptures autour de la canne de Provence qui borde le ruisseau, une manifestation des images pour créer des conversations autour du ruisseau avec les habitants, un tarot du ruisseau ré-adapté du tarot de Marseille sur l’imaginaire associé à l’eau et sa relation avec les humains.
En parallèle, les remontées du ruisseau continuent. En 2022, quatre grandes balades collectives re-jouent les marches de 2017. Destinées à celles et ceux qui sont amenés à prendre en compte le cours d’eau dans le développement urbain, elles donnent lieu à un podcast de quatre épisodes « Comme un Ruisseau », produit par Urban prod. Ces balades seront de nouveau jouées publiquement l’année prochaine face à l’engouement des habitants. Le lien entre le cours d’eau et les habitants est également maintenu à travers des événements festifs comme La fête du ruisseau (balades, spectacles, ramassages, ateliers, conférences), un grand karaoké sur le thème de l’eau, la rédaction de La gazette du ruisseau (un à deux numéros par an)…
Impact ?
Les balades collectives ont été des lieux de rencontre, d’échange, de compréhension et de coopération y compris entre les collectivités dans un cadre alternatif et plus horizontal. Aujourd’hui, le ruisseau qui n’était plus géré par les collectivités et avait disparu des cartes est adopté par l’épage HuCA – l’établissement public d’aménagement et de gestion des eaux Huveaune – Côtiers – Aygalades, et il est désormais re-placé sur une carte.
L’association Bureau des Guides du GR2013, aux côtés de la coopérative Hôtel du Nord, a joué un rôle moteur dans le développement de la notion de patrimoine intégré, permettant de redécouvrir des quartiers et des fragments de territoire délaissés aux abords du département. La mise en récit des enjeux liés à ces espaces naturels menacés par l’urbanisation a révélé une vision plus sensible et engagée du territoire. L’association Bureau des Guides a accompli un véritable tour de force en influençant profondément les collectivités, qui ont su accueillir avec intérêt et reconnaissance le regard à la fois sensible et expert porté sur le ruisseau Caravelle-Aygalades.
Leur action a contribué à faire évoluer la perception et l’orientation de l’action publique d’Euroméditerranée au sein du parc des Aygalades. Malgré la différence de taille entre cette institution et l’association, un cadre d’échange et d’action a pu être instauré et a porté ses fruits. Les échanges ont abouti à des résultats positifs en faveur de la protection et de la revalorisation du ruisseau, qui était menacé d’enfouissement.
L’extra pour se mettre en action
Sur le chemin…
En 2020, l’équipe municipale a changé, laissant place à un collectif affichant une volonté affirmée de soutenir les initiatives associatives. Alors que le projet de création d’un parc majeur sur ce territoire avait été imaginé il y a vingt ans, les plaidoyers en faveur de la préservation du ruisseau ont enfin été entendus par les pouvoirs publics. Cette victoire marque une véritable avancée à l’heure de l’accélération des enjeux liés à la transition écologique.
Pour une adjointe à la mairie de Marseille, le succès de ce projet réside dans son inscription sur le temps long. Il s’est construit avec douceur, laissant le temps nécessaire à une compréhension partagée des enjeux par tous les acteurs. Mais au-delà du temps, ce sont aussi les relations renouvelées entre collectivités et associations qui ont permis de bâtir un projet solide et d’obtenir des résultats concrets.
Le Bureau des Guides a su faire preuve de conviction et d’expertise, contribuant ainsi à enrichir la connaissance des collectivités sur ces enjeux, bien que ce travail exige un investissement de temps considérable. Car une association, c’est avant tout le territoire : elle est composée de celles et ceux qui le vivent et le pratiquent au quotidien, en reflétant toute sa diversité. Il est essentiel de lui permettre d’exister pleinement, et le rôle des collectivités est de savoir écouter.
Le regard de La fabrique des récits
Et si urbanisme et valorisation de la nature convergeaient pour que des écosystèmes trouvent et gardent leur place dans nos villes ?
Les approches de l’aménagement ne sont réellement complètes qu’en donnant sa juste place au patrimoine naturel et à celui, culturel et immatériel, dont il est le socle.
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