Sur le sentier des Lauzes

Pourquoi ?

En 2001, dans la Vallée de la Drobie, habitants et usagers réfléchissent ensemble au devenir de leur cadre de vie. Ils sont conscients de la beauté du paysage de leur vallée et de son potentiel comme de la difficulté de trouver une voie de développement adaptée. Fragilisée par l’exode rural, la vallée fait face à un phénomène d’enfrichement des terres agricoles contre lequel ils peinent à lutter. Ils inventent alors un projet collectif basé sur une approche culturelle : « Sur le sentier des lauzes ». L’objectif : mettre en place une dynamique culturelle pour une prise de conscience partagée sur le devenir de la vallée et un développement local harmonieux et durable. Au démarrage, les projets de l’association sont construits en lien étroit avec le Parc Naturel Régional des Monts d’Ardèche. En 2023, le théâtre des Lauzes est inauguré et permet d’ancrer la dynamique de l’association dans une infrastructure culturelle un peu particulière, puisqu’il s’agit d’un espace scénique en plein air ayant pour seul décor les arbres verdoyants de la forêt environnante.

Comment ?

Le projet s’articule autour du Sentier des lauzes, parcours d’art en paysage, un chemin de randonnée jalonné d’œuvres d’art qui forme une boucle sur les communes de Dompnac et Saint-Mélany. Lieu de randonnée et de découverte parcouru par plusieurs milliers de visiteurs chaque année, ce circuit de 15km arpente les paysages de la vallée, son architecture, son patrimoine, révélés et mis en valeur par des artistes et des créateurs. L’association souhaite sensibiliser à l’évolution des paysages à travers le regard d’artistes et créer la rencontre avec les habitants et randonneurs.

Par exemple, en 2005-2007, la création du « Belvédère des lichens » par le paysagiste Gilles Clément répond à une demande des habitants d’interroger la notion d’espace sauvage, dans ce territoire de déprise agricole où les habitants luttent contre l’enfrichement. Cette rencontre marque un tournant dans la pensée des membres de l’association, où l’embroussaillement n’est plus perçu comme un repli pour devenir synonyme de retour à la vie.

Autour du sentier, l’association organise tout au long de l’année des résidences d’artistes au sein de son atelier refuge, espace central du projet associatif. C’est le lieu de l’immersion : il permet l’interprétation du paysage, la rencontre, tout en favorisant la proximité et une présence artistique pérenne appréciables dans un territoire isolé. L’association imagine chaque année un travail de médiation, des évènements, rencontres qui mêlent artistes et public autour de la question de la création et du paysage. Une formule maillée de propositions artistiques et de temps de discussions avec des artistes et scientifiques à la fois conviviaux, festifs et enrichissants. Devenue en 2020 association relais du programme Nouveaux Commanditaires pour la région Auvergne-Rhône-Alpes, l’association Sur le sentier des lauzes met son médiateur artistique au service des citoyens désireux de passer commande à un artiste.

Les différentes initiatives portées par l’association permettent non seulement de créer des liens entre les habitants de la vallée et ses paysages, mais aussi avec des nouveaux arrivants. Par exemple, en 2007 les artistes Ivo Provoost et Simona Denicolaï ont été invités à réfléchir à la cohabitation entre habitants permanents et occasionnels. Ils se sont intéressés à la notion de propriété et ont élaboré un concept de « copropriété temporaire ». Au café du Village de St Mélany, sur un tableau de 200 clés identiques, on peut en choisir une, moyennant une somme symbolique. L’acquisition d’une clé est attestée par un contrat, et donne accès à cette curieuse copropriété. Elle revêt une forme pour le moins originale : une armoire. Chaque année, une assemblée générale extraordinaire des copropriétaires de l’armoire est organisée autour d’un pique-nique partagé. Cette initiative a porté ses fruits en permettant d’intégrer au sein du conseil d’administration de l’association des communautés de résidents secondaires qui jusqu’alors se tenaient à l’écart des habitants permanents.

Enfin, le projet du Théâtre des Lauzes a été imaginé dès le début de l’initiative. Il répond à un autre enjeu de l’association : créer des infrastructures pour accueillir des artistes tout en explorant de nouveaux usages pour des éléments du patrimoine. L’objectif : réaliser de nouvelles constructions sans porter atteinte au paysage. Lauréat 2023 des Tremplins ARVIVA « Pour des initiatives durables dans le spectacle vivant », le Théâtre des Lauzes est un théâtre en plein air, qui s’appuie sur le travail de la pierre sèche et la restauration de terrasses existantes (les « faïsses »). Il est conçu comme un point d’observation pour les promeneurs, et peut accueillir jusqu’à 150 spectateurs les jours de spectacle, offrant une vue exceptionnelle. Pensé pour être partagé, il accueille aussi bien les productions de l’association que celles d’autres structures culturelles. Ce projet a attiré un public national, impliqué la communauté locale et renforcé les liens avec les collectivités.

Impact ?

« La capacité de faire ensemble est extrêmement développée dans la Vallée, l’expérience du Sentier des lauzes a contribué à cette capacité qu’ont les habitants à œuvrer autour de projets de manière collective. » – Julie Glotz-Terrier, administratrice de production de l’association, et conseillère municipale pour la commune de Gravières (Ardèche).

Le projet a permis d’ancrer l’art et la culture au cœur d’un territoire de montagne éloigné des structures culturelles traditionnelles. Grâce au travail de l’association, les habitants ont découvert l’art contemporain et son message, tout en renouant avec les forêts environnantes, devenues un véritable refuge créatif. La pérennité de l’association témoigne d’un intérêt grandissant pour les pratiques artistiques et les regards extérieurs sur la nature. Son rayonnement est à la fois international et solidement ancré dans le paysage national, l’association étant désormais reconnue par les collectivités et les institutions culturelles.